mardi 26 janvier 2021

LE « BUSINESS ETUDIANT » DANS LE COULOIR DE LA MORT

 Les étudiants arrondissent leur budget limité par des prestations de service

Des prestations de services assurées par des étudiants pour des étudiants dans le couloir de la mort, c’est ce que les professionnels de ce métier appellent le « Business Etudiant ».

Le couloir de la mort arpenté, ce 09 mars 2020, laisse observer des germes de vie. Cette étendue noire constituée d’un tapis de goudron s’étale symétriquement entre le campus social et un alignement de barres qui débutent de la librairie au principal croisement de l’université. La rue morte est pourtant la rue la plus animé de l’université. Auparavant cette rue abritait des librairies parterre et quelques kiosques qui ont été déguerpis.

Aujourd’hui, le nouveau décor pittoresque s’agrémente d’un alignement de lampadaire solaire de marque française. Au milieu de cette rue qui ne se dépeuple jamais, face aux portails de l’école des vétérinaires et du campus social, s’activent des jeunes rabatteurs qui appellent des clients. Galass, un étudiant en 3 années de russe, habillé en rouge noir comme s’il vivait sans fin les noces de saint-valentin, pratique depuis deux ans cette activité d’assistance pour l’inscription en ligne et ses services dérivés. Assis sur un bloc rectangulaire de ciment, il a à sa gauche deux étudiantes qui attendent son assistance pour boucler leur inscription en ligne.

Ils voient en tout passant un client. Ils peuvent agiter des photos ou te dire « inscription en ligne». En abordant le couloir de la mort par l’avenue Cheikh Anta Diop, sur le mur à l’angle, la mention défense d’uriner est visible. Mais avec un peu d’attention, l’humidité du sol sous la mention témoigne du passage récent d’un téméraire qui s’est soulagé sur les lieux. De là, on dépasse à droite des arbres, en file indienne, couplé chacun d’un poteau surplombé par une plaque qui indique le nom de celui qui l’a planté. Le troisième arbre est planté par l’actuel recteur de l’Université Cheikh Anta Diop. Juste après 11 heures, on dépasse à droite, juste avant la porte de l’institut des langues appliquées, un enfant écoulant ses sachets d’eau à 50 F CFA. Il est l’un des rares vendeurs sur le couloir.

Le petits business repose sur des équipements légers. Au total, il s’agit d’un appareil photographie numérique et une imprimante interconnectée à un lecteur de carte numérique. Ils sont ingénieux. Ils se contentent de leur smartphone pour te faire boucler vote inscription en ligne. En vérité, l’université accueille beaucoup d’analphabète de la société de l’information. Des personnes qui n’ont jamais flirté avec l’ordinateur après, un parcours de 14 ans au moins à l’école élémentaire, puis le collège et le lycée. Sous d’autres cieux, dès le jardin d’enfant on devient des as de l’informatique. Au Sénégal on peut arriver aux études universitaires sans que l’internet nous dit rien en dehors de ses usages à travers les réseaux sociaux. Quel casse-tête représente les téléprocédures pour les analphabètes du numérique. Des étudiants ont pu identifier cette niche d’opportunités.

L’essentiel de leurs activités qu’ils appellent «  business étudiant » s’articule autour de la vente des formulaires, l’inscription en ligne et la photographie. Le long du couloir de la mort des dazibaos peuplent les murs. Les amicales s’y affirment comme pour dire aux étudiants d’autres contrées : «  nous aussi, nous sommes là ». A la droite, en remontant le couloir qui mène au « mouroir de Dakar », une expression d’un professeur de philosophie qui argumentait sur les misères de la vie estudiantine à l’UCAD (). Pour se tirer des affres de cette vie sans pitié, certains étudiants pratique depuis  des années une activité qu’ils considèrent comme une affaire pour étudiant. De l’autre côté du mur, il y a d’autres étudiants qui y officient comme coiffeurs.  Le défilé sur le couloir de la mort n’offre guère le spectacle d’un marché animé ou les paniers se tiennent dans les mains. Les sacs sont souvent sur le dos des garçons. Les filles ont leur sac entre la main et le flanc comme si elle  y gardait des biens très précieux. Il parait qu’on ne doit jamais jeter un regard indiscret dans le sac à main d’une femme. Par contre, certaines filles adorent les sacs à dos. Le coronavirus laisse indifférents la population estudiantine. On ne les voit pas avec des masques. Les vendeurs du couloir de la mort auraient pu trouver un nouveau business parce que les inscriptions et la vente des formulaires tirent à leur fin avec l’arrêt prochain des inscriptions. Ces prestataires saisonniers font aussi dans le conseil. Galass dira à ses clientes après le succès de leur inscription : «  saviez-vous le reste de la procédure à suivre ? » Avant de continuer par des explications : «  vous avez à viser votre formulaire au service médical à côté du terrain de football du campus social. » Fatou Guèye soutient qu’elle connait les lieux. Comme s’il voulait qu’il passe encore un peu de temps avec lui. Il ajouta : «  vous irez à l’affichage de la faculté des lettres pour vérifier si vous avez vos dossier au complet.

Là, il m’est venu l’idée de le provoquer ; le dictaphone encore en main parce que je ne l’ai pas encore rangé ; je lui lança  : « j’ai oublié de te poser la question de savoir pourquoi tu es habillé en rouge noir ». Il se montra évasif. Mais la copine de Fatou Guèye, très taquine, lui dit : «  il veut savoir est ce que tu vis toujours le saint-valentin ». Du coup, son visage s’illumine sous l’effet de l’éclat d’un rire. Fatou Guèye a préféré renseigner sa fiche et elle fit une erreur, elle était obligée de débourser à nouveau le prix à payer pour l’acquisition d’un nouveau formulaire. Son amie, celle que j’ai interviewée, n’a pas accepté de décliner son nom. Elle est en Licence 3 mais elle a opté de solliciter le service des étudiants chaque année pour ses inscription mais quand elle paya sa fiche, aussitôt demanda-t-elle à Galass de la renseigner pour elle. Moment opportun pour échanger avec elle : « Je suis en Licence trois mais je préfère leur confier mon inscription en ligne », confia-t-elle. Et pourtant, elle ne manque de compétences dans les usages des TIC.

 Aujourd’hui, l’opération de nettoyage rivalise avec la présence des occupants habituels du couloir. A 11 heures on sentait, malgré qu’il vente un vent frais, les chauds rayons du soleil qui se meut comme d’habitude vers les zéniths. Avec des pelles, des râteaux, des brouettes, des balaies ; des femmes et des hommes arrivèrent presque à bout de la corvée journalière. Aux abords de la rue, des amas de pierres et des ordures enveloppées dans un tissu gazeux blanc rompaient à la monotonie habituelle des lieux. Ils sont presque arrivés au croisement du couloir de la mort avec l’avenue Cheikh Anta Diop qui ne permet plus d’entrer à l’UCAD par ses deux sens à partir de ce point. En remontant le couloir par ce croisement, des portails s’ouvrent à gauche. On peut en compter jusqu’à cinq : la première s’ouvre sur la librairie Claire Afrique, la seconde sur l’institut des langues appliquées, la troisième sur l’institut des sciences de la terre, la quatrième sur le CESTI et la cinquième sur VETO. A la sortie de CESTI, en face, un tuyau pété irrigue l’autre bordure, à droite de la route et couvre cette partie d’un épais tapis herbacé qui n’atteint pas les monticules.

A l’entrée de VETO, deux chaises de fortune, l’une sans revêtement, accueillent les candidats à la photographie. En effet, le business étudiant est une chaine de valeur allant du rabatteur à l’imprimeur en passant par le photographe. Les rabatteurs récoltent 40% sur les paiements des clients qu’ils mobilisent. Il y a une saisonnalité des activités parce la vente des formulaires et les inscriptions en ligne s’estompent avec la fermeture des inscriptions mais la demande en photographie est une activité qui se pérennisent : des photos minutes à 500 F CFA n’attirent pas que les étudiants. Pour faire des économies, des photos minutes à ce prix n’intéressent pas que les étudiants.

Cette rue singulière, qu’on appelle couloir de la mort, semble être la vitrine de la politique sociale de l’Etat pour les étudiants. A droite au-delà des murs, en partant de l’avenue Cheikh Anta Diop, plusieurs barres qui doivent servir à l’hébergement des étudiants sont en construction. Deux grues géantes surplombent les gros œuvres qui se constituent de dalles et de poteaux coulées. Maintenant, c’est la nouvelle manière de faire. Les murs de cloison viennent après. A gauche de la rue, les regards des eaux usées sont ouverts. D’ailleurs, un des regards est complètement obstrué de bloc de pierre.

Le couloir de la mort vit des va-et-vient des étudiants. Cette monotonie se rompt par les activités de ceux qui exercent le business étudiant. Ces activités s’inscrivent dans les perspectives école-entreprise et elles facilitent l’employabilité à l’avenir. Leur attitudes rappelle à bien des égards la vie de ces étudiants sénégalais qui arrondissement leur fin du mois difficile par la plonge ou la participation aux récoltes dans les champs viticoles en Normandie. On ne dira jamais assez qu’il n’y a pas de sots métiers. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Environnement

L’OCCUPATION DE LA FAÇADE ATLANTIQUE CONTRASTE AVEC LES PRATIQUES ECOLOGIQUES

Toubab Dialaw : des mesures d’atténuation aux changements climatique s’y observent. Le regard d’un écologique peut être heurté par les con...