Les étudiants arrondissent leur budget limité par des prestations de service
Des prestations de services assurées
par des étudiants pour des étudiants dans le couloir de la mort, c’est ce que les
professionnels de ce métier appellent le « Business Etudiant ».
Le couloir de la mort arpenté, ce 09
mars 2020, laisse observer des germes de vie. Cette étendue noire constituée
d’un tapis de goudron s’étale symétriquement entre le campus social et un alignement
de barres qui débutent de la librairie au principal croisement de l’université.
La rue morte est pourtant la rue la plus animé de l’université. Auparavant
cette rue abritait des librairies parterre et quelques kiosques qui ont été
déguerpis.
Aujourd’hui, le nouveau décor
pittoresque s’agrémente d’un alignement de lampadaire solaire de marque
française. Au milieu de cette rue qui ne se dépeuple jamais, face aux portails
de l’école des vétérinaires et du campus social, s’activent des jeunes
rabatteurs qui appellent des clients. Galass, un étudiant en 3 années de russe,
habillé en rouge noir comme s’il vivait sans fin les noces de saint-valentin,
pratique depuis deux ans cette activité d’assistance pour l’inscription en
ligne et ses services dérivés. Assis sur un bloc rectangulaire de ciment, il a
à sa gauche deux étudiantes qui attendent son assistance pour boucler leur
inscription en ligne.
Ils voient en tout passant un client.
Ils peuvent agiter des photos ou te dire « inscription en ligne». En abordant le couloir de la mort par
l’avenue Cheikh Anta Diop, sur le mur à l’angle, la mention défense d’uriner
est visible. Mais avec un peu d’attention, l’humidité du sol sous la mention
témoigne du passage récent d’un téméraire qui s’est soulagé sur les lieux. De
là, on dépasse à droite des arbres, en file indienne, couplé chacun d’un poteau
surplombé par une plaque qui indique le nom de celui qui l’a planté. Le
troisième arbre est planté par l’actuel recteur de l’Université Cheikh Anta
Diop. Juste après 11 heures, on dépasse à droite, juste avant la porte de
l’institut des langues appliquées, un enfant écoulant ses sachets d’eau à 50 F
CFA. Il est l’un des rares vendeurs sur le couloir.
Le petits business repose sur des
équipements légers. Au total, il s’agit d’un appareil photographie numérique et
une imprimante interconnectée à un lecteur de carte numérique. Ils sont
ingénieux. Ils se contentent de leur smartphone pour te faire boucler vote
inscription en ligne. En vérité, l’université accueille beaucoup d’analphabète
de la société de l’information. Des personnes qui n’ont jamais flirté avec
l’ordinateur après, un parcours de 14 ans au moins à l’école élémentaire, puis
le collège et le lycée. Sous d’autres cieux, dès le jardin d’enfant on devient
des as de l’informatique. Au Sénégal on peut arriver aux études universitaires
sans que l’internet nous dit rien en dehors de ses usages à travers les réseaux
sociaux. Quel casse-tête représente les téléprocédures pour les analphabètes du
numérique. Des étudiants ont pu identifier cette niche d’opportunités.
L’essentiel de leurs activités qu’ils
appellent « business étudiant » s’articule autour de la vente des
formulaires, l’inscription en ligne et la photographie. Le long du couloir de
la mort des dazibaos peuplent les murs. Les amicales s’y affirment comme pour
dire aux étudiants d’autres contrées : « nous aussi, nous sommes là ». A la droite, en remontant le
couloir qui mène au « mouroir de
Dakar », une expression d’un professeur de philosophie qui argumentait
sur les misères de la vie estudiantine à l’UCAD (). Pour se tirer des affres de
cette vie sans pitié, certains étudiants pratique depuis des années une activité qu’ils considèrent
comme une affaire pour étudiant. De l’autre côté du mur, il y a d’autres
étudiants qui y officient comme coiffeurs.
Le défilé sur le couloir de la mort n’offre guère le spectacle d’un
marché animé ou les paniers se tiennent dans les mains. Les sacs sont souvent
sur le dos des garçons. Les filles ont leur sac entre la main et le flanc comme
si elle y gardait des biens très
précieux. Il parait qu’on ne doit jamais jeter un regard indiscret dans le sac
à main d’une femme. Par contre, certaines filles adorent les sacs à dos. Le coronavirus
laisse indifférents la population estudiantine. On ne les voit pas avec des
masques. Les vendeurs du couloir de la mort auraient pu trouver un nouveau
business parce que les inscriptions et la vente des formulaires tirent à leur
fin avec l’arrêt prochain des inscriptions. Ces prestataires saisonniers font
aussi dans le conseil. Galass dira à ses clientes après le succès de leur
inscription : « saviez-vous le
reste de la procédure à suivre ? » Avant de continuer par des
explications : « vous avez à
viser votre formulaire au service médical à côté du terrain de football du
campus social. » Fatou Guèye soutient qu’elle connait les lieux. Comme
s’il voulait qu’il passe encore un peu de temps avec lui. Il ajouta :
« vous irez à l’affichage de la
faculté des lettres pour vérifier si vous avez vos dossier au complet.
Là,
il m’est venu l’idée de le provoquer ; le dictaphone encore en main parce
que je ne l’ai pas encore rangé ; je lui lança : « j’ai oublié de te poser la question de
savoir pourquoi tu es habillé en rouge noir ». Il se montra évasif.
Mais la copine de Fatou Guèye, très taquine, lui dit : « il veut savoir est ce que tu vis toujours le
saint-valentin ». Du coup, son visage s’illumine sous l’effet de l’éclat d’un rire. Fatou
Guèye a préféré renseigner sa fiche et elle fit une erreur, elle était obligée
de débourser à nouveau le prix à payer pour l’acquisition d’un nouveau formulaire.
Son amie, celle que j’ai interviewée, n’a pas accepté de décliner son nom. Elle
est en Licence 3 mais elle a opté de solliciter le service des étudiants chaque
année pour ses inscription mais quand elle paya sa fiche, aussitôt demanda-t-elle
à Galass de la renseigner pour elle. Moment opportun pour échanger avec elle :
« Je suis en Licence trois mais je
préfère leur confier mon inscription en ligne », confia-t-elle. Et
pourtant, elle ne manque de compétences dans les usages des TIC.
Aujourd’hui, l’opération de nettoyage rivalise
avec la présence des occupants habituels du couloir. A 11 heures on sentait,
malgré qu’il vente un vent frais, les chauds rayons du soleil qui se meut comme
d’habitude vers les zéniths. Avec des pelles, des râteaux, des brouettes, des
balaies ; des femmes et des hommes arrivèrent presque à bout de la corvée
journalière. Aux abords de la rue, des amas de pierres et des ordures
enveloppées dans un tissu gazeux blanc rompaient à la monotonie habituelle des
lieux. Ils sont presque arrivés au croisement du couloir de la mort avec
l’avenue Cheikh Anta Diop qui ne permet plus d’entrer à l’UCAD par ses deux
sens à partir de ce point. En remontant le couloir par ce croisement, des
portails s’ouvrent à gauche. On peut en compter jusqu’à cinq : la première
s’ouvre sur la librairie Claire Afrique, la seconde sur l’institut des langues
appliquées, la troisième sur l’institut des sciences de la terre, la quatrième
sur le CESTI et la cinquième sur VETO. A la sortie de CESTI, en face, un tuyau
pété irrigue l’autre bordure, à droite de la route et couvre cette partie d’un
épais tapis herbacé qui n’atteint pas les monticules.
A l’entrée de VETO, deux chaises de
fortune, l’une sans revêtement, accueillent les candidats à la photographie. En
effet, le business étudiant est une chaine de valeur allant du rabatteur à
l’imprimeur en passant par le photographe. Les rabatteurs récoltent 40% sur les
paiements des clients qu’ils mobilisent. Il y a une saisonnalité des activités
parce la vente des formulaires et les inscriptions en ligne s’estompent avec la
fermeture des inscriptions mais la demande en photographie est une activité qui
se pérennisent : des photos minutes à 500 F CFA n’attirent pas que les
étudiants. Pour faire des économies, des photos minutes à ce prix n’intéressent
pas que les étudiants.
Cette rue singulière, qu’on appelle
couloir de la mort, semble être la vitrine de la politique sociale de l’Etat
pour les étudiants. A droite au-delà des murs, en partant de l’avenue Cheikh
Anta Diop, plusieurs barres qui doivent servir à l’hébergement des étudiants
sont en construction. Deux grues géantes surplombent les gros œuvres qui se
constituent de dalles et de poteaux coulées. Maintenant, c’est la nouvelle
manière de faire. Les murs de cloison viennent après. A gauche de la rue, les
regards des eaux usées sont ouverts. D’ailleurs, un des regards est complètement
obstrué de bloc de pierre.
Le couloir de la mort vit des va-et-vient
des étudiants. Cette monotonie se rompt par les activités de ceux qui exercent
le business étudiant. Ces activités s’inscrivent dans les perspectives
école-entreprise et elles facilitent l’employabilité à l’avenir. Leur attitudes
rappelle à bien des égards la vie de ces étudiants sénégalais qui
arrondissement leur fin du mois difficile par la plonge ou la participation aux
récoltes dans les champs viticoles en Normandie. On ne dira jamais assez qu’il
n’y a pas de sots métiers.
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